Dans le brouhaha de notre société, celle qui a le vide et le silence en horreur, il est bien difficile de savoir où l'on va.
"Quoi faire? dans quelle direction aller?" est une question que se posent bien des jeunes un peu perdus dans leur vie. Sans projet bien défini, sans vision de l'avenir, ils foncent dans le brouillard, un peu comme des animaux égarés face au danger : sauve qui peut! Ils ne regardent rien, foncent. Il y a des fuites qui sauvent : devant un danger précis et identifié et il en est qui la coûtent : la fuite devant soi-même. Si certains adolescents poursuivent une scolarité planifiée avec un objectif, d'autres en revanche, plus fragiles, plus enclins à la déprime, se perdent dans le labyrinthe des projections parentales. Sans doute y a-t-il dans notre monde, dans notre modernité, un découragement immense.
"Quelque chose me bloque Madame... mais je ne sais pas quoi... Je ne peux pas faire face à tout ce qu'on me demande : mes parents, mes profs, ma famille... tout cela m'anesthésie".
Quand aucune réponse n'est possible, petit à petit on peut devenir fou. La détresse est trop grande. Quel est le sens de la vie est une question que se posent des jeunes en devenir : des jeunes hypersensibles, des enfants ou des adolescents étiquetés "à haut potentiel", des petits gamins dont la lucidité est telle qu'elle leur brûle les ailes et les yeux.
"La vie n'a pas de sens, ni sens interdit, ni sens obligatoire. Et si elle n'a pas de sens, c'est qu'elle va dans tous les sens et déborde de sens, inonde tout. Elle fait mal aussi longtemps qu'on veut lui imposer un sens, la tordre dans une direction ou dans une autre. Si elle n'a pas de sens, c'est qu'elle est le sens".
La mémoire du corps est la plus profonde. Tout ce qui vous a touché, blessé, animé, enchanté ou meurtri y est engrammé à jamais ; le corps absorbe de manière indélébile toutes les informations reçues : les bonnes et les mauvaises. Toutes les strates, comme les couches d'un énorme millefeuille, empêchent parfois l'harmonie, la vibration : on ne sent plus rien. C'est ce qui arrive à certains patients. Ils n'ont plus accès à leurs sensations. Certains évènements raidissent, contractent le corps qui ne résonne plus. Il joue faux comme un piano non accordé. Pour que le corps se détende il est faut comprendre la peur, la sentir afin qu'elle ne verrouille plus les espaces. L'adolescence est un seuil ; certains le franchissent sans trop sans rendre compte, d'autres s'y arrêtent, hésitant entre le dehors et le dedans, oscillant entre deux pôles. L'attente peut être longue. Du temps est nécessaire.