"Souvent, sur des murs écaillés, dans la vase d'une mare, dans la braise qui s'émiette en cendres, dans l'assemblage fortuit de cailloux sur un sentier, au contour fluctuant des nuages, j'ai vu des paysages inattendus, des champs de bataille tumultueux, des visages d'une beauté indescriptible, des monstres, des démons et bien d'autres images stupéfiantes. Je n'avais qu'à choisir et à compléter".
Dans ces lignes, Léonard de Vinci révèle ce qui fait l'essence même de la petite enfance : la magie de la création, l'imaginaire.
Au cours de mon travail d'analyste j'ai été fascinée par le regard de mes jeunes patients, pas tous, mais de certains plus particulièrement qui possédaient cette caractéristique : la perception immédiate. Quand on est petit tout est matière à s'émerveiller et à imaginer, on est dans l'immédiateté. C'est pour cette raison que les sensations vécues dans l'enfance nous ramènent à l'âge adulte, des bribes de souvenirs, des odeurs d'encre et de craie de la petite école, le goût d'une confiture, d'une tarte ou l'odeur des crêpes, du chocolat chaud, le parfum tendre d'un être cher. Voilà pourquoi on peut être aussi ému en retrouvant une mémoire nichée dans une sensation, un goût ou une odeur... et son cortège d'émotions.
Intense est la réalité de l'enfant.
"Oh il n'écoute pas en classe... lorsqu'il écrit il perd la moitié des mots parce qu'il a la tête ailleurs... C'est Jean de la Lune!"
L'adulte qui se lamente, oublie que son enfant peine sans doute plus que d'autres à quitter cette impérieuse présence du rêve. Il y est tout entier assujetti.
Notre monde où tout doit être rapide, compartimenté, codifié, rend les parents impitoyables aux enfants. Certains subissent, d'autres ne se laissent pas faire et opposent une résistance farouche à leur reddition. Ainsi va la vie : parfois on préfère oublier l'enfant que l'on a été car "l'enfance est une enclave sauvage dans nos vies domestiquées".