Je suis devenue experte en sauvetage de tourterelles... La dernière pensionnaire en date vient de retrouver sa liberté et s'essaie prudemment au vol et à l'autonomie en gardant comme base arrière notre jardin. Tombée du nid, une aile abîmée, elle allait traverser le boulevard au moment où j'arrivais en voiture. Je l'ai vite récupérée et pendant plus d'1 mois j'ai pris soin d'elle. Nourrie durant 8 jours, bichonnée en attendant que les plumes de l'aile amochée repoussent. Vive internet et "tourterelles.com"!
Très attristée au début du sauvetage, elle se laissait nourrir puis attendait que la journée passe... résignée. Petit à petit, elle s'est habituée à moi, au chien aussi et surtout à ma voix. Papoter avec elle semblait l'apaiser et l'aider à supporter la séparation.
A la différence du bébé, le petit oiseau n'a pas à apprendre à s'inventer un substitut tranquillisant, un doudou ou mentaliser la représentation de sa mère lorsqu'elle doit s'absenter. La transmission joue également un rôle important. Un nourrisson a besoin d'attachement pour s'épanouir, il vit dans une bulle sensoriel avec sa maman.
Ma jeune tourterelle n'a pas eu cette chance, éloignée des "emplumés", elle n'a eu que moi comme spécimen non volant! A sa libération, elle n'est pas partie d'un coup, sans doute peu prête à affronter les pies qui très vite l'ont repérée : un truc ne devait pas coller...Je ne l'avais préparée ni à se méfier, ni à identifier les prédateurs... Peut-être le savait-elle génétiquement?? Récupération de l'oiseau et attente de quelques jours supplémentaires.
A la 2ème tentative, elle a quitté seule la volière : par la grande porte, volant haut et fort. Mais le soir même elle était de retour, à l'heure habituelle du casse-graines... guettant notre présence dans le jardin.
Première nuit dehors, seule, et moi l'attendant au petit matin... comme une mère attend une ado à sa première soirée! Je l'ai vue réapparaître, mouillée comme un chaton qui a pris la pluie. A nouveau, casse-graines et besoin d'un brin de discussion. J'ai alors compris que ma voix l'a faisait réagir. Moi qui avais pris soin de ne pas la toucher pour qu'elle garde son instinct sauvage, je la voyais s'approcher de plus en plus près jusqu'à venir près de ma main pour écouter mes mots, la musique de ma voix. A chaque départ, un retour et le même rituel comme si ce lien auditif lui permettait de reprendre confiance et de repartir à la découverte du monde.
Un nourrisson a besoin d'attachement pour s'épanouir, il ne peut se développer que dans le monde sensoriel émis par un autre. Alors? Qu'en est-il des oiseaux secourus très jeunes puis relâchés? Ces vilains petits canards, éclopés du passé ont sans doute des leçons à nous donner.